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Top gun, ou « comment sortir du placard avec style »

Avant toute chose, lancez ce clip, à fond, pour bien vous imprégner de l’univers dans lequel je vous emmène aujourd’hui :

Non, nous ne nous rendons pas a la Fistinière, mais dans l’esprit de Tony Scott (défunt frère de Ridley), pour parler de Top Gun, ce qui au final n’est pas si éloigné que ça de l’esprit de la Fistinière, comme vous allez vite le comprendre.
Autant vous le dire tout de suite, si vous vous attendez à de la blague gay bien grasse, vous vous êtes trompés d’endroit. C’est pas un site de pédales, ici.
(Putain, j’espère que vous avez branché votre décodeur à second degré, sinon ça va être compliqué…)

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Le Meilleur Tireur

Si pour vous Top Gun c’est un film avec Tom Cruise sur des gars qui pilotent des avions de chasse, désolé mais vous n’avez rien compris. J’imagine que vous pensez aussi que Rocky est un film sur la boxe, non ? Des fois ça m’ennuie de me dire que j’ai de tels crétins dans mes lecteurs…
Bref. Restez quand même, il n’est jamais trop tard pour s’instruire.
Donc, si nous sommes réunis aujourd’hui, c’est bien pour parler de Top Gun, mais surtout de sa seconde lecture, lecture que tout le monde ne semble pas avoir comprise dès le premier visionnage de cette œuvre culte des années 80, aussi surprenant que cela puisse paraître. Alors pour entrer dans le vif du sujet, je vais lâcher le morceau tout de suite : Top Gun est en fait une métaphore, une ode à la découverte de son homosexualité. Alors oui, certains vont me dire que ça semble évident aujourd’hui, mais remis dans le contexte de son année de sortie – 1986 – c’est une œuvre assez unique. Car là où d’autres films, tels que Predator ou Rocky III utilisent l’homoérotisme pour promouvoir des valeurs de camaraderie et d’amitié platonique (j’entends ma nana qui ricane), Top Gun, c’est pas du tout ça. Non, comparé à Top Gun (quand il est vu comme il se veut) les Village People c’est une bande de skinheads homophobes.

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Tout le monde l’a vu, non ? Non ? Bon ben va y avoir quelques spoilers. Mais en même temps, c’est pas comme si vous n’aviez pas eu le temps de le voir avant.

Ça sent l’After Burner

Tout commence alors que Maverick (c’est son surnom de pilote, mais on va pas commencer à donner son autre nom, ça va embrouiller les plus limités et ma mère m’a dit de pas ennuyer les handicapés) pilote de l’armée américaine et son co-pilote Goose se retrouvent envoyés sur un porte avions qui forme les Top Gun, les meilleurs des meilleurs des meilleurs pilotes. Une bande de joyeux drilles, tous plus gays les uns que les autres. Le premier dialogue entre deux de ces pilotes est tout de même, alors qu’ils regardent une vidéo de missiles :
– « Ça me fait bander… »
– « M’excite pas comme ça »
Véri-fucking-dique.
Puis Iceman et Maverick s’échangent quelques regards incandescents et on imagine que c’est à ce moment là que le beau Maverick (ouais, parce que c’est Tom Cruise, quand même) commence à se dire que ça lui titille la coquillette quand il regarde des garçons à la mâchoire sculpturale. Ce qui ne l’empêchera pas de draguer une blondasse le soir même, parce que quand même, faut sauver les apparences. Vous l’aurez compris, rien ne laisse penser au début du film que Maverick n’est pas le héros hétérosexuel auquel tout le monde s’attend. Non, ça vient progressivement. C’est raconté intelligemment. Michael Bay et Christopher Nolan devraient en prendre de la graine.
Fast forward, la tension sexuelle entre Iceman et Maverick augmente à chacune des scènes qu’ils se partagent.

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Bitch Volleyball

dangerzone002Je ne reviendrai pas sur la scène de beach volley, qui est sans doute une des dix scènes les plus homoérotiques de l’histoire du cinéma, à classer juste à côté de l’entraînement de Rocky par Apollo (très très grand moment de cinéma, dont je vous interdis de vous moquer). Surtout que cette scène, pleine de jeunes hommes torse nu, en sueur et en plein effort, est accompagnée par « Playing with the boys« , du magique Kenny Loggins, qui nous y fait une déclaration et dit même :
« L’un des bonheurs simples de la vie, c’est de jouer avec les garçons. »
Tenez, je vous mets les paroles originales, avec en gras deux-trois trucs fantastiques.

I’d say it was the right time
To walk away
When dreaming takes you nowhere
It’s time to play
Bodies working overtime
Your money don’t matter
The clock keeps ticking
When someone’s on your mind

I’m moving in slow motion
Feels so good
It’s a strange anticipation
Knock, knock, knocking on wood
Bodies working overtime
Man against man
And all that ever matters
Is baby who’s ahead in the game
Funny but it’s always the same

[Refrain]
Playing, playing with the boys
Playing, playing with the boys
After chasing sunsets
One of life’s simple joys
Is playing with the boys

Said it was the wrong thing
For me to do
I said it’s just a boys’ game
Girls play too
My heart is working overtime
In this kind of game
People gets hurt
I’m afraid that people is me
If you want to find me, I’ll be
Playing with the boys

I don’t want to be the moth around your fire
I don’t want to be obsessed by my desire (with the boys!)
I’m ready, I’m leaving
I’ve seen enough
I’ve got to go
You play too rough

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Alors oui, vous allez me dire que c’est métaphorique, que c’est pas du second degré, tout ça. Mais sérieux. Repassez-vous cette scène, dans le film. Quand aux anglophobes qui râlent parce que les paroles sont en anglais, je vous dirai bien d’aller vous faire téter l’oignon, mais ce serait sans doute un poil vulgaire, bien que fort à-propos au vu du thème de l’article. Donc au lieu de ça, je vous invite à utiliser le traducteur de Google, parce que certes c’est mon métier, mais là je suis pas au boulot.

Interlude du Crâne Ancestral

Petite anecdote, tiens, pour prouver l’aspect culte de Top Gun auprès de toute une génération, et pour faire plaisir à un ami. Comme vous le savez certainement si vous avez l’habitude de venir sur ce site, la gamme des Maitres de l’Univers a été relancée (et refaite) en 2008, ressortant tous les personnages des différentes séries, remis au goût du jour. Et quelle fut la surprise concernant Icarius, l’homme volant à l’aide d’un jetpack ailé supersonique ? Réponse ci-dessous :

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Val Fucking Kilmer, désormais immortalisé en 6 pouces.

Beau gosse + Potiche blonde = Public content

Revenons-en à nos moutons (pour ne pas dire à nos phoques, parce que je sais que ça fera pas marrer tout le monde…).
J’en entends qui me disent « Mais Feel, y’a quand même une scène de sexe avec une nana ! »
Sauf que cette scène n’a jamais figuré au script original. Tout comme le baiser qui la précède, dans la rue, ou encore la scène dans l’ascenceur. Vous l’ignorez sans doute, mais la scène de sexe à dû être rajoutée par le réal plusieurs mois après avoir bouclé le film, lorsque le public de bœufs du premier screening a été scandalisé que l’histoire d’amour n’ait pas lieu à l’écran. Pour ce qui est du baiser, c’est simplement Tom Cruise qui a improvisé, et Tony Scott a décidé de laisser cette scène dans le cut final. Cruise avait sûrement besoin de convaincre du monde de sa prétendue hétérosexualité… Quand à la scène dans l’ascenseur, qui vient cimenter l’intérêt de Maverick pour Chaussette (on va l’appeler Chaussette, ok ?), elle aussi a été ajoutée après les premiers screenings.

Alors qu’on sait tous que Maverick va se taper Iceman direct après le générique, et pas une quelconque nana en talons.

Top Gun - Val Kilmer & Tom Cruise

Il semble en effet que l’année où est sorti Top Gun, le public n’était pas prêt a encaisser un film culte dont le héros (tout comme la majeure partie des autres personnages) est gay. Et si le message est ici moins dissimulé que dans la Soupe aux choux (et surtout pas du tout le même) il n’en reste pas moins intéressant : le parcours initiatique d’un jeune adulte qui réalise qu’il est attiré par les hommes et qui finit par l’accepter, faisant fi des conventions sociales (je vous rappelle que nous sommes dans les années 80, berceau de l’homoérotisme platonique), et décide de le vivre pleinement.

C’est beau.

On peut d’ailleurs voir que Tom Cruise arbore durant la scène d’amour une coupe de cheveux complètement différente (et plus longue) que celle qu’il porte durant tout le film, puisque la séquence a été tournée plusieurs mois après. Allez vérifier, quand on le sait c’est flagrant. C’est aussi en partie pour ça que la scène est tournée en ombres. L’autre explication, plus métaphorique, reviendrait à dire qu’en faisant l’amour avec cette nana, Maverick n’est pas dans la réalité de ce qu’il est et se ment à lui-même. Putain, c’est presque une analyse philosophique, je vais perdre la moitié de mon lectorat… Tiens allez, une photo pour remettre le niveau :

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Sang, eau… et autres fluides corporels

On est quand même passé à côté d’un truc historique. Imaginez un peu ce qu’une scène de sexe gay entre Maverick et Iceman aurait pu avoir comme impact sur les carrières de Tom Cruise et Val Kilmer. Quelque chose de plus explicite que les multiples passages homoérotiques, quoi. Parce que dans les années 80, l’homoérotisme, c’était classique et ça n’était pas vu comme quelque chose de gay. Le culte du muscle, la dominance des Maîtres de l’Univers dans les coffres à jouets des gamins et les tenues improbables des gens dans la rue montrent bien qu’on avait une autre vision du monde et que des hommes musclés, dégoulinant de sueur, qui se prenaient dans les bras en riant (et ma nana ricane encore…), ça n’avait rien de sexuel.
Mais surtout, imaginez l’impact qu’un Top Gun non altéré aurait pu avoir en faveur de la cause gay, malmenée (à tort) par l’explosion du SIDA dans les années 80. Tom Cruise aurait pu devenir le premier acteur playboy ouvertement gay, et un véritable porte-parole pour la communauté… Ah oui non, c’est vrai, en scientologie, y’a pas d’homosexuels, je suis con.

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Pour vivre heureux…

Si aujourd’hui, l’homosexualité a le vent en poupe et est à tel point tendance que même Joey Starr interprète un homo au cinéma (et perso, je trouve ça bien – pas l’effet de mode, mais la dédiabolisation), il y avait encore dans les années 80 une certaine hypocrisie à ce sujet. Dur d’être ouvertement homo quand le public et les media jugent les gays responsables de la propagation du SIDA.
Elton John ou George Michael, par exemple, niaient totalement leur homosexualité pourtant évidente. On peut donc se demander si un film suivant le cheminement d’un Jeune homme dans l’acceptation de son homosexualité n’était pas terriblement courageux, osé et complètement avant-gardiste. Happy ending, camaraderie, claques sur les fesses et beaux gosses, on est loin du cliché du pédé sidaïque montré du doigt et moqué dans Philadelphia.

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Dans Top Gun, assumer finalement sa sexualité ne se solde pas par des tâches sur tout le corps, une perte brutale de poids et une BO assurée par Bruce Springsteen, mais par un méga happy ending de bâtard. Limite on s’attend à ce que Goose revienne. Et ça, je crois qu’un hétéro qui ne s’est jamais posé la question ne réalise pas à quel point ça peut avoir son importance.
Comptez le nombre de films dans lequel un protagoniste beau et charismatique est gay et le vit bien, sans avoir à le cacher à son entourage direct. Ah oui, même un lépreux peut compter ça sur les doigts de son moignon. Alors que Top Gun, contrairement à ce que beaucoup peuvent penser, offre cette chance d’identification à toute une génération de jeunes mâles en proie aux doutes ou à la peur de se dévoiler. Je suis d’ailleurs surpris que ce film ne soit pas plus culte que ça auprès de la « communauté » gay. Peut-être qu’ils sont pas nombreux à être cinéphiles, je sais pas…

Fabriquer des chars fleuris et maitriser l’hélicoptère avec la bite, ça doit déjà pas mal occuper, en même temps…

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