
J’aurais tout aussi bien pu appeler ce billet « un guide du passionné hyperactif et forcément un peu relou« , mais vu que c’est absolument pas un guide, ça aurait été un peu absurde. Mais du coup, de quoi est-ce que ça va parler ? Et surtout, est-ce que ça va pas être trop chiant ? Rassurez-vous, chers lecteurs (ou chères lectrices, hein, je fais pas de discrimination), chiant, c’est pas le genre de la maison. Relou, oui. Mais c’est pas pareil. Non. Cherchez pas, j’vous dis que c’est pas pareil.
Le truc marrant avec les qualités et les défauts, c’est que parfois, ce qui est une qualité pour certaines personnes est un défaut pour d’autres. Prenez l’intelligence, par exemple. Nous sommes tous d’accord pour dire que c’est globalement une qualité, surtout quand on l’utilise correctement. Bon, ben dans le collège de banlieue où j’ai passé quelques années (de ma sixième à mes deux troisièmes – oui deux, mais faites pas chier, c’est pas le sujet), l’intelligence était un vilain défaut. D’ailleurs, avoir des bonnes notes était très mal vu et généralement source de punition entre deux cours, par les grosses brutes de la classe. Et comme souvent les gars qui excellent du ciboulot ne sont pas les meilleurs en sport… enfin bref, vous avez compris le truc. Le sujet dont je voudrais parler aujourd’hui – non, parce que si on ne recentre pas, à un moment ça ne veut plus rien dire – c’est la passion.
Déjà, la passion, qu’est-ce que c’est ? Si vous me demandiez, je vous dirais que c’est le fait d’aimer quelque chose assez profondément pour vouloir tout savoir sur le sujet, ou tout du moins plus que le commun des mortels.
Par exemple on peut être passionné de football, de jeux vidéo, de macramé ou de photos de grand-mères séniles et incontinentes (allez-y, vomissez). L’important c’est pas ce que vous aimez, c’est la façon de l’aimer. Car la passion c’est pas juste se dire « ah ouais ça j’aime bien ». Non, la passion, c’est un truc qui vous habite, qui vous obsède et qui parfois, vous bouffe et vous rend relou. Et c’est là que ça commence à devenir difficile à comprendre. On m’a toujours dit que c’était bien d’être passionné, que c’était super d’avoir une passion, et patati et patata. Ben, perso je suis un vrai passionné, un geek au sens premier du terme (et pas celui galvaudé relayé par les media et votre tante Josette aujourd’hui), et dans la vie de tous les jours, c’est plus casse-bonbons qu’autre chose.
D’ailleurs, si l’on demande à notre ami Larousse (Jean-Jacques, de son prénom, un gars très sympa, mais un peu « je-sais-tout » sur les bords), il nous dit que :
Passion (nom féminin)
- Littéraire. État affectif intense et irraisonné qui domine quelqu’un.
- Mouvement affectif très vif qui s’empare de quelqu’un en lui faisant prendre parti violemment pour ou contre quelque chose, quelqu’un.
- Amour considéré comme une inclination irrésistible et violente.
- Penchant vif et persistant.
- Dans la philosophie scolastique et classique, ce qui est subi par quelqu’un ou quelque chose, ce à quoi il est lié ou par quoi il est asservi, par opposition à l’action.
Oulah… ça craint un peu, tout ça, non ? Irraisonné, dominé, qui s’empare de, violemment, inclinaison irrésistible…
DOCTEUR !
Et moi qui croyais qu’une passion c’était cool… Mais alors, est-ce que ça se soigne ? Et ben… pas vraiment. Quand on est de nature passionnée, la vie est compliquée parce que justement, cette passion est dans notre NATURE. Et ça, ben ça craint. Parce que t’es jamais à l’abri de te prendre de passion pour un nouveau truc. Et là, pour tes potes, c’est reparti pour des jours/semaines/mois de yeux levés au ciel, de « désolé je suis pas dispo cette année » et autres vaines tentatives de changement de sujet quand tu parles du dernier truc qui t’a fait tripper depuis 45 minutes sans même t’arrêter pour boire un verre d’eau. (Là, mes potes qui lisent ça se marrent)
Comment je le sais ? Mais vous lisez ce que j’écris ? Je vous dis que je suis passionné. C’est donc mon cas et dans les différents groupes des personnes que je fréquente, c’est souvent moi qui ait le rôle du mec sympa-mais-un-peu-relou-quand-il-s’y-met. Et le pire ? C’est que je le sais, mais que je le fais parfois sans m’en rendre compte.
On ne LOLE pas avec la passion
Mettons par exemple que je me retrouve avec des gens qui parlent de cinéma. Bon, déjà je sais qu’il y a de grandes chances pour que j’entende des trucs qui vont me demander du contrôle pour ne pas partir en hurlant. Parce que quand tu touches aux trucs qu’il aime, le passionné est un peu comme un malade mental sans ses médicaments. Essayez donc de dire à votre cousin Gérard que la Coupe du Monde c’est de la merde et le football un sport de mongoliens milliardaires, vous allez voir comment il va le prendre. Bon ben moi c’est pareil avec le cinéma. Dès fois, t’as des gens, polis, qui me connaissent pas encore et qui me demandent « et toi ? » (genre « et toi t’as aimé ce film ? » ou « et toi, c’est quoi le film qui t’a marqué ? », etc.) Le problème, quand on me pose cette question, c’est que si je ne me contrôle pas IMMÉDIATEMENT pour faire une version courte, je suis parti pour un moment.
Quand deux personnes normales parlent d’un film qu’ils ont vu, ça donne à peu près ça :
– T’as vu Man Of Steel ?
– Le truc avec Superman, là ?
– Ouais.
– Ouais.
Fin de l’histoire. Durée totale : moins de 45 secondes.
Quand je parle de cinéma avec une personne normale, si je me suis contrôlé, ça donne ça :
(la personne) – T’as vu Man Of Steel ?
(moi) – Malheureusement, oui.
– Pourquoi, malheureusement ? Moi j’ai trouvé ça vachement bien.
– Je préfère infiniment ceux de Richard Donner.
– Quoi ?
Fin de l’histoire. Durée totale : moins de deux minutes. Jusqu’ici, tout va bien, comme dirait l’autre.
Dans le meilleur des cas, je suis contrarié, parce que je me retiens de développer pourquoi je n’ai pas aimé, je me retiens d’expliquer qui est Richard Donner et je me contente d’un sourire un peu gêné, en attendant que la personne passe à autre chose.
Mais ça, c’est dans le meilleur des cas. Dans le pire des cas, ça peut donner ça :
(la personne) – T’as vu Man Of Steel ?
(moi) – Malheureusement, oui.
– Pourquoi, malheureusement ? Moi j’ai trouvé ça vachement bien.
– Je préfère infiniment ceux de Richard Donner.
– Les vieux trucs de l’époque, là ? C’est trop pourri ! Ha ha ha !
Ta-da-daaaaaaaaaam ! (musique dramatique)
Quand ça, ça arrive alors que j’ai décidé de me contrôler, c’est un peu comme si vous regardiez un mec foutre des coups de pompe à votre gamin, à terre, et que vous restiez sans bouger à admirer le spectacle. C’est sympa quand on est maso, mais sinon c’est chiant.
D’ailleurs, si je ne me contrôle pas (pour x raisons), ça peut donner ça :
(la personne) – T’as vu Man Of Steel ?
(moi) – Malheureusement, oui.
– Pourquoi, malheureusement ? Moi j’ai trouvé ça vachement bien.
– Je préfère infiniment ceux de Richard Donner.
– Quoi ?
– Ceux de Donner. En 1978, Richard Donner sort Superman. Ce que les gens ne savent pas forcément, c’est qu’au départ il a choisi de raconter une histoire sur près de 5 heures, qu’il découpe en deux films. Il finit la production du premier, qui sort comme tel, et se fait virer alors qu’il a shooté à peu près 90% du second. Il est remplacé par Richard Lester, qui fera de Superman II la parodie qu’on a tous subi à l’époque. Heureusement, des fans apprennent au début des années 2000 qu’il existe quelque part les bandes de tout ce que Donner a tourné et réussissent à obtenir des studios qu’ils permettent à Donner de finir son film, près de vingt ans après. En 2006, sort Superman II : The Richard Donner cut, une version exceptionnelle et qui est une suite logique et parfaite du premier opus… (et ça continue comme ça pendant un moment)
Durée totale : 45 minutes de monologue. Et sans doute quelqu’un qui ne voudra plus jamais me parler.
Et je ne vous parle pas de ce que ça donne quand je parle cinéma avec un autre cinéphile… Là, généralement, on a changé d’heure deux fois avant d’avoir fini notre conversation. Mais c’est différent, parce qu’entre passionnés, on se comprend et on kiffe. Enfin on kiffe… si tant est qu’on partage les mêmes passions. Parce que truc compliqué c’est qu’un passionné peut trouver un autre passionné relou et insupportable s’il le saoule avec une passion non partagée. AH BAH OUAIS ! On est des gens (presque) comme les autres ! (sauf certains passionnés à l’extrême, dont je fais partie, qui sont quasiment des autistes…) Nous aussi, si un truc nous gonfle (et ça arrive), on a envie que le mec se taise à tout jamais. Ne serait-ce que pour pouvoir à notre tour monologuer sur un truc qu’on aime.
Plus c’est long…
Quand t’es passionné, généralement tu emmagasines plein d’informations. Du coup, avec le temps, tu as des anecdotes sur plein de sujets. Tu en connais un peu sur plein de trucs et un rayon sur certains en particulier. Et là où toi tu te dis que c’est cool, et bien tu fais erreur. Parce que pour les gens normaux, c’est pas du tout pertinent de savoir autant de trucs inutiles (à leurs yeux, hein, te fâche pas). Y’aurait-il de la jalousie ? C’est pas moi qui le dis, c’est le grand maître lui-même :
Mais alors – non, parce que ça commence à faire long et que je sais que j’ai déjà perdu deux tiers des lecteurs, à ce stade – que faut-il faire pour garder un semblant de vie sociale, quand on est passionné ? Je savais bien que vous alliez me demander. Voici donc la solution à tous vos problèmes, et ce, sans que vous ayez besoin de retourner votre écran pour la lire :
Apprenez à fermer votre gueule.
C’est pas plus compliqué. Vivez votre passion aussi intensément que vous le voulez chez vous, ou avec vos amis nerds passionnés comme vous, et ne laissez pas transparaitre ce côté de votre personnalité quand vous êtes en société. Bien sûr, je ne vous dis pas de renier ce que vous êtes ; mais vous pouvez parler cinéma sans évoquer toute la filmo du réalisateur du film dont parlent les gens autour de vous. Vous n’êtes pas obligés d’expliquer à ces parfaits inconnus que Mario s’appelait au départ Jumpman et qu’il était charpentier, et pas plombier. Les gens s’en foutent, ne perdez pas votre temps. Apprenez à écouter, aussi, et au pire, si vous vous faites chier, faites ce que savent faire tous les passionnés : envolez-vous dans votre tête vers votre happy place, et hochez la tête de temps en temps, pour donner l’illusion à votre interlocuteur que vous l’écoutez. Tout le monde fait ça, aujourd’hui, c’est que ça doit bien être une coutume normale…
Sur ce, je la ferme à mon tour, parce qu’à un moment il faut savoir dire stop… et aller mater Top Gun en BluRay pour la 272e fois.
Excellent!! Et franchement, je me suis reconnu plusieurs fois!! Ma femme aussi d'ailleurs! Feel, tu devrais être remboursé par la sécu!!
Héhé 😉
Amen 😉
Goose c'est toi….moi je suis Tom Cruise ! (in Eastbound and Down (Kenny Powers en vf – 2013 bc)
Si ma vie de passionné m'a appri une chose c'est que chaque jour de ma vie j'apprend, je m'amuse, je ne m'ennui jamais et surtout j'ai un but là ou trop se laissent vivre comme un pot de fleur….
Le nombre de fois dans la journée ou je me dis, après l'avoir ouverte, mais pourquoi tu l'as pas fermée… Mais à côté de ça, je rejoins Body's Pr'Ink Orthez dans son commentaire, se coucher chaque jour moins bête que la veille ça a un côté réjouissant 😉